À chaque vente, notre sommelier (et historien de l’art médiéval !) Thomas Ameline choisit une oeuvre de la vente et en fait une lecture en écho à la dégustation d’un vin. Attention, expérience surprenante.
L’association entre une vue du Vésuve et un vin issu des pentes de l’Etna vous semble évidente ? Vous allez vite vous rendre compte que l’idée est plus pertinente qu’il n’y paraît…
La série à laquelle appartient notre planche a été éditée en 1776 à Naples pour illustrer les observations du Vésuve et des champs phlégréens de sir William hamilton, ambassadeur d’Angleterre à Naples entre 1764 et 1800. Ces gouaches napolitaines sont tirées de modèles gravés par Pietro Fabris (actif à Naples entre 1756 et 1784) qui représentent les paysages volcaniques du Royaume de Naples. La région est en effet dominée par la large silhouette du Vésuve, dont l’éruption la plus meurtrière a eu lieu en 79 après J.-C, détruisant Pompéi, Herculanum et Oplontis. Ce volcan mythique a donc été contemplé au XVIIIe siècle par Sir Hamilton « himself », qui a formulé ses observations scientifiques à la Royal Society de Londres avec, pour illustration, ces magnifiques aquarelles. Elles ont donné naissance à un genre promis à un grand succès : les « gouaches napolitaines ».
D’un volcan l’autre, nous songeons aux vins d’une autre région dont le paysage et les moyens de production nous ramènent sur les pentes du terrible volcan napolitain. Dirigeons-nous vers les pentes de l’Etna, à l’est de la Sicile. Et plus précisément vers le domaine d’Anna Martens, vigneronne australienne qui y créé en 2005 son microvignoble de deux hectares. L’encépagement est uniquement composé de vignes de Nerello Mascalese âgées de 60 à 100 ans. Anna Martens et son mari rénovent eux-mêmes un chai de plus de 250 ans près du village de Sollichiata. Cette combinaison unique d’un climat nocturne frais d’altitude et de chaleurs diurnes des plus sèches, couplée à ce très ancien vignoble volcanique, donne vie à des vins vrais révélant la profonde origine de leur terroir. Cette volonté de remonter leur histoire est doublement renforcée par l’usage au quotidien d’amphores romaines pour l’élevage ! Il va de soi que la culture du vignoble et les vinifications s’effectuent sans aucun ajout de produits chimiques.
Le résultat est étonnant : un vin fin et complexe, avec de puissants arômes de cerises et de fleurs rouges, complétés par des arômes épicés typiques des terroirs volcaniques. Les tanins sont très fins, peu présents, et l’acidité naturelle apporte fraîcheur et digestibilité à la finale. Un tempérament de feu ! À chaque gorgée, il est probable que nous retrouvions en partie le goût des vins bus par les habitants des environs de ces volcans pendant l’Antiquité, encore actifs aujourd’hui..