Et si Batman avait été allergique au Lycra… Edward Hopper serait-il devenu amuseur public

Gotham City, 1959. Depuis près de vingt ans, un héros mystérieux empêche les criminels d’imposer leur loi. Toujours à la pointe des innovations technologiques, le super héros troque cette année-là ses collants en latex pour une matière synthétique plus résistante et tout juste mise au point : l’élasthanne, commercialisée sous la marque Lycra.

Au même moment, à New York, le peintre Edward Hopper supporte de plus en plus difficilement sa femme Jo, plus nerveuse et jalouse que jamais. Hopper, déjà fragile psychologiquement, n’a jamais été aussi malheureux. Sa peinture reflétait déjà une profonde mélancolie, à l’image des personnages solitaires attablés dans la pénombre de bars glauques éclairés par des néons. Mais… et si Batman avait été allergique au Lycra ?
Cloué au lit, Batman essaie toute sorte de crèmes et pommades pour calmer ses irritations. Mais les rougeurs ne passent pas. En éternel optimiste, il s’était débarrassé de tous ses accessoires en latex, n’imaginant pas une seule seconde que l’élasthanne produirait de tels effets sur ses gambettes. Alité trois semaines, il assiste, enragé et impuissant, au retour en force des crimes, délits et trafics en tout genre. Gotham City retombe aux mains des criminels. Batman, dont des journalistes bien informés ont relayé les malheurs dans la presse, est la risée de l’Amérique.

En lisant la nouvelle dans le journal, Edward Hopper reste songeur. Après tout, pourquoi ne pas se rendre à Gotham City pour respirer l’air de cette ville redevenue malsaine ? Ce n’est pas dans ce New York aseptisé où il vit en vedette qu’il retrouvera les atmosphères de tripot à la Al Capone qui ont fait son succès. Ce petit voyage improvisé est aussi l’occasion pour lui de ne plus avoir sa femme Jo sur le dos. Du pain béni ! Deux semaines passent et, dans un Gotham dominé par les gouapes, Hopper revit ! Niché dans le café où se retrouvent les pires crapules, il croque les plus belles scènes de sa carrière. Il ne s’est jamais senti aussi bien.

Mais la vie est intenable pour les honnêtes gens et Batman, enfin sur pied, reprend du service ! Son mythe est écorné, certes. Mais la paix passe avant tout. C’est donc masque de chauve-souris sur la tête, cape noire sur les épaules mais jambes dénudées et velues que Batman fait une entrée fracassante dans le repaire des vauriens. Malheureusement pour lui, la tentative de mise au pas vire à l’éclat de rire général ! Pour Hopper, c’est la révélation. L’artiste se lance dans une toile revisitant ses célèbres Faucons de nuit. Baptisé La Chauve-souris échaudée, le tableau fait aussitôt les choux gras des journaux, provoquant l’hilarité aux quatre coins du monde. En quelques jours à peine, définitivement ridiculisé, Batman disparaît de la circulation. Retrouvant sa joie de vivre, fraîchement divorcé, Edward Hopper entame une reconversion aussi étonnante que réussie dans le dessin satirique au Gotham City Times.

Voilà ce qui se serait passé si Batman avait été allergique au Lycra.

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