Notre dessin d’Astérix dans Le Point

54 ans après sa disparition, un dessin d’Uderzo réapparaît

Fin octobre, la maison FauveParis dévoilera une encre sur papier inédite d’Astérix et Obélix. Le dessin fut réalisé en 1966 pour l’ORTF avant de disparaître.
ParArthur Frydman

L’heure est aux découvertes pour la maison d’enchères de la rue Saint-Sabin (75). Après avoir récemment acquis – et vendu près de 70 000 euros le 26 septembre dernier – un rare manuscrit d’Alexandre Dumas, FauveParis vient de redécouvrir un dessin inconnu sur le marché de l’art. Ce dernier est de la main du papa d’Astérix et Obélix, Albert Uderzo, décédé le 24 mars dernier. Alors que le 21 octobre, les éditions Albert René sortiront Le Menhir d’or, une nouvelle aventure sous forme de récit illustré et tirée de l’adaptation d’un livre audio de 1967, le dessinateur sera également à l’honneur sous le marteau avec cette illustration inédite et jamais révélée aux amateurs d’Astérix, d’Obélix et de leurs fidèles compagnons du village d’irréductibles Gaulois. Cette encre et lavis sur papier, réalisée en 1966 et intitulée La Bonne Année, sera mise à l’encan le 24 octobre à l’estimation basse (et raisonnable) de 20 000 euros. Le dessin n’est apparu qu’une seule fois et pendant quelques secondes aux yeux du grand public. Ce fut en direct à la télévision pour l’émission Soirée de réveillon, diffusée le 31 décembre 1966 sur l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), devenu Antenne 2 en 1975. Il fut offert à Maurice Dumay, son producteur, avant de disparaître aux mains de collectionneurs privés.

« Un dessin digne d’une couverture d’un album d’Astérix »

« Ce qui fait la force de ce dessin est son année de réalisation », explique Avril Tembouret, consultant BD chez FauveParis. « Nous sommes en 1966 et Astérix est partout. Dans les librairies, chez qui l’album Astérix et les Normands dépasse la barre du million d’exemplaires mis en place, et même dans l’espace avec le premier satellite français nommé Astérix et lancé quelques mois auparavant », ajoute l’expert. Cet engouement pour le petit Gaulois se formalisera sur la couverture de L’Express de Jean-Jacques Servan-Schreiber. Celle-ci parla du « phénomène Astérix », époque au cours de laquelle sortit l’opus à succès – plus de 900 000 albums tirés – Astérix chez les Bretons. « Impossible donc de quitter l’année 1966 sans inviter le personnage moustachu d’Uderzo aux festivités du Nouvel An », enchérit Avril Tembouret. Ça sera chose faite avec cette illustration de bons vœux aux téléspectateurs réalisée spécialement pour l’ORTF et présentée brièvement à la télévision par l’acteur Jean Lefebvre – qui conseille face à la caméra d’encadrer le dessin, qui « fera toujours un bon placement » – avant que sonnent les 12 coups de minuit. Nous voici en 1967, le dessin disparaîtra jusqu’à aujourd’hui et ne sera reproduit nulle part ailleurs.

Pour le commissaire-priseur Cédric Melado, « cette pièce est complètement à part dans le catalogue d’Uderzo. Ce n’est ni une dédicace ni une planche. C’est une commande spéciale, un cadeau offert aux téléspectateurs français. Aucun collectionneur d’originaux d’Astérix et Obélix ne possède aujourd’hui une telle pièce à l’histoire si singulière. C’est ce qui pourrait exciter le marché, car il n’est jamais rien passé de comparable sous le marteau. » En effet, les planches originales du dessinateur autodidacte – daltonien aux douze doigts qui lui ont d’ailleurs permis de réaliser son trait caractéristique, propre, dynamique et fluide – passent régulièrement aux enchères. « Mais ici, nous sommes face à une illustration hors norme notamment par son format de 50 par 50 cm et sa qualité d’exécution », complète le commissaire-priseur.

Le dessin plaira aux amateurs des deux comparses gaulois étant sensibles à la représentation des personnages principaux. Astérix, Obélix évidemment, mais également le petit chien Idéfix, un des personnages les plus complexes de la série à dessiner ainsi que des figures emblématiques du village comme le druide Panoramix. Ces derniers – acheteurs nostalgiques et passionnés de « madeleines de Proust » – regardent avant tout la beauté de la pièce, sa qualité plastique, sa fraîcheur sur le marché – ici, elle ne fait aucun doute – et la scène qui s’y déroule. Dans La Bonne Année, tous les personnages susmentionnés y figurent. « Chacun dans son rôle : Astérix bondit, intrépide, joyeux, tandis que Panoramix prépare la potion magique alors qu’Obélix s’interroge candidement et qu’Idéfix regarde la scène. Et cerise sur le gâteau : Uderzo fait émerger un poste de télévision de la marmite pour permettre à ses créatures de papier de souhaiter la bonne année aux téléspectateurs et de prendre vie. Un délicieux anachronisme qui témoigne du rôle grandissant de la télévision dans la vie des Français au milieu des années 1960 », analyse Avril Tembouret. « Cette composition, qui allie complexité et lisibilité avec le fouetté du pinceau propre à Uderzo est digne d’une couverture d’un album d’Astérix », conclut le spécialiste.

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