Goya, 1968

Collage sur papier doublement signé et daté en bas à gauche et en bas au centre

38 x 50 cm

Quatorze ans après la dernière grande exposition parisienne, au Centre Pompidou, des collages de l’artiste d’origine islandaise apparenté au mouvement de la Figuration Narrative, la galerie Loeve&Co dévoilait en 2022 un ensemble exceptionnel et inédit, pour la plupart issus des séries iconiques Retour d’U.S.A. (1963-1964) et Tableaux Chinois (1976-1977).

Considéré comme l’un des principaux introducteurs du collage dans l’art, le peintre surréaliste Max Ernst précisait : Si ce sont les plumes qui font le plumage, ce n’est pas la colle qui fait le collage.

En effet, si la pratique du collage est indissociable de la modernité au vingtième siècle, son usage a été introduit quasi simultanément par des artistes dans des buts hétérogènes. Georges Braque et Pablo Picasso sont les premiers à s’en emparer. Après avoir introduit dans leurs tableaux des effets hyperréalistes de matière, puis de typographie, ils procèdent directement, à partir de l’automne 1912, par papiers collés. Aux représentations, les deux artistes substituent l’élément lui-même, non plus peint mais directement intégré dans la composition, créant un effet de réel alors inédit, et aboutissant, selon le mot de Françoise Gilot, à un vrai trompe-l’esprit.

Quelques années plus tard, dadaïstes et surréalistes élaborent les premiers vrais collages, où le papier imprimé ne sert plus d’adjuvant ou de liant à une composition picturale classique, mais devient le composant unique de l’œuvre. À partir de 1919, Max Ernst devient virtuose dans l’art de détourner des gravures anciennes pour en faire des images troublantes, recueillies dans La Femme 100 têtes en 1929.

Après la seconde Guerre Mondiale, Henri Matisse se saisit à son tour de cette pratique lorsque, alité, il ne peut plus peindre, et agence des papiers découpés à vif dans la couleur qui, dit-il, rappellent la taille directe des sculpteurs.

Créé en 1956, un collage de Richard Hamilton, Just what is it that makes today’s homes so different, so appealing?, est considéré comme la première œuvre Pop : le collage devient alors le médium privilégié de l’expression du trop-plein de la société de consommation, de l’accumulation des biens et de l’entassement des personnes, dont les Scapes démesurés d’Erró sont considérés comme les chefs d’œuvre.

L’apport spécifique d’Erró à l’histoire du collage est essentiel. Il l’a portée à son paroxysme, notamment en utilisant tous les registres iconographiques, toutes les sources imaginables (histoire de l’art, ouvrages techniques, images de propagande, bande dessinée, dépliants publicitaires...) mais aussi toutes les techniques disponibles pour associer deux images ou plus (juxtaposition, inversion, tramage, accumulation...). Il est, de plus, le premier à avoir transposé sur toile ses compositions de papiers, avant ses amis Pop américains comme James Rosenquist. Pour le conservateur Christian Briend, les collages d’Erró sont des prévisions du tableau car, à partir de 1964 toutes ses peintures sont précédées de ces esquisses d’un nouveau genre, même si, cependant, tous les collages ne sont pas destinés à devenir des peintures.

Ainsi, l’artiste revendique la primauté du collage sur le tableau : “Le collage, c’est la partie la plus excitante de mon travail, la plus libre, affirme-t-il ; c’est presque une écriture automatique. C’est là que je trouve des solutions formelles pour saturer l’espace, mon côté all-over, comme on dit pour les artistes abstraits américains. Le collage c’est à la fois l’original et le modèle”.
Stéphane Corréard & Hervé Loevenbruck

Encadré