Un abstrait fait exprès

Il était une fois un artiste russe dont le culot changea définitivement la face du monde de l’art.

Un soir de 1910, Wassily Kandinsky entre dans son atelier et distingue, au milieu du désordre, une œuvre inconnue d’une « indescriptible et incandescente beauté». En s’approchant, l’artiste comprend qu’il s’agit d’une de ses propres toiles… posée à l’envers ! En la dénommant «aquarelle abstraite», Kandinksy, pour qui un titre n’a pourtant qu’une valeur «domestique», ouvre sans le savoir un boulevard à la peinture du XXe siècle.

Au même moment, d’autres peintres s’interrogent sur la place de la figuration, Malevitch et Mondrian dans une voie géométrique, Kupka en misant sur une nouvelle utilisation de la couleur. On dit même que le peintre tchèque demanda pardon à la nature d’avoir essayé de la copier et qu’on ne l’y reprendrait plus ! Bref, au début du XXe siècle, les tentations abstraites antérieures, volontaires ou fruits du hasard, de Turner ou Monet sont désormais parfaitement assumées. Marinetti et Boccioni en Italie, Delaunay en France, Duchamp et Picabia aux ÉtatsUnis en 1913 font leurs la prophétie du pionnier Kandinsky : « tout est permis».

Si la tendance reste marginale dans l’entre-deux-guerres, elle explose réellement dès les années 1940 à Paris et New York avec des peintres comme De Staël, Poliakoff, Pollock ou Rothko. Dans leur sillage, des dizaines de jeunes artistes venus des quatre coins du monde explorent eux aussi cette esthétique entièrement libérée de la tutelle de la figuration. Comme tous les grands mouvements artistiques, l’art abstrait a aujourd’hui, un siècle après sa naissance, ses grands classiques, ses figures tutélaires, ses révolutionnaires, ses petits maîtres. À travers une sélection d’œuvres d’Estève, Pierrakos, Mathieu, Calliyannis, Zao Wou-Ki, Tapiès ou Poliakoff, nous vous invitons à remonter le temps à nos côtés pour revivre cet âge d’or où Paris régnait sur le monde des arts et des idées.

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