« …il vous séduit, vous trouble, vous envahit »

En séduisant un·e amateur·trice, un objet fait subitement naître un désir de possession. Une collection commencerait-elle toujours ainsi ? Pour les collectionneur·euse·s, c’est souvent une véritable histoire amoureuse où la figure de Pygmalion – le sculpteur épris de sa propre statue – est omniprésente…

Une collection est souvent l’histoire d’une incroyable accumulation. Amasser, réunir, thématiser, thésauriser : telle est la quête sans relâche de ces amatrices et amateurs éclairé·e·s. Et bien qu’il évoque d’abord une personnalité, un ensemble cohérent dit aussi beaucoup de la relation entre une œuvre d’art et la société.

Pourtant, quel destin que celui des arts premiers ! Depuis plus d’un siècle, ils passionnent, interpellent, font vibrer et dégagent un magnétisme étonnant sur tous ceux qui osent les approcher. Le·a passionné·e, vite envoûté·e, nourrit alors un mystérieux besoin de collection et se soumet bien vite aux pouvoirs magiques que les œuvres dégagent. Car ces objets parlent aux collectionneur·euse·s ! Balzac leur faisait d’ailleurs murmurer « Chit ! Chit ! » à l’oreille du cousin Pons. L’être prendrait-il le pas sur l’avoir ? Pour André Breton, l’amateur·trice qui réunit ces objets « se cherche lui·elle-même » et s’entoure de présences. Les distinctions génériques disparaissent alors pour donner naissance à une curieuse intimité propice au voyage intérieur et au rêve. Les objets, avant de nous enterrer pour de bon, font un bout de chemin à nos côtés, véhiculant leurs histoires et leurs symboles.

Attention : cette brève vie commune se mérite ! Pour mériter sa place dans une collection, l’objet doit être parfaitement sincère. Bien sûr, personne n’est à l’abri d’être un jour bafoué·e par un faux déloyal et immoral qui peut à certaines occasions mener à la rupture. L’amour n’est-il pas un travail à temps plein ? Mais il arrive qu’un·e collectionneur·euse ne voie plus son reflet et dans la totalité organique des objets qui l’ont accompagné·e. Le beau ne suffit plus si l’amour n’est plus là, a fortiori si les objets ont perdu de leur essence aux yeux de celui ou celle qui les avait tant aimés. À l’heure de cette prise de conscience, la question serait donc : m’ont-ils tout pris… ou tout donné ?

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