Le fauve de la vente… chausse ses escarpins de sept lieues

« Les bottes étaient fort grandes et fort larges ; mais, comme elles étaient fées, […] elles se trouvèrent aussi justes à ses pieds et à ses jambes que si elles eussent été faites pour lui »
Charles Perrault, Le petit Poucet

Ce dont Perrault ne s’était pas aperçu, n’ayant connu Poucet que par ouï-dire, c’est que les bottes de sept lieues ne s’adaptent pas seulement à la taille du pied de leur porteur, mais aussi à ses goûts en matière de mode… au moment où le porteur les enfile pour la première fois.

Et ce que le conte ne dit pas, c’est que Poucet, après s’être débarrassé de l’ogre, se maria, et vécut heureux, mais n’eut qu’une enfant. Et depuis lors, de génération en génération, la fille aînée de la famille hérite des bottes… Par un étrange accident génétique, toutes ces filles aînées sont de plus en plus grandes. Aujourd’hui, ces bottes, qui ont bien évolué depuis l’époque de Perrault, sont détenues – leur photo en atteste – par une héritière de Poucet qui les a reçues dans les années 80.

Dans la vie d’une femme moderne, quel incomparable avantage que de posséder des escarpins de sept lieues. Pas de RER en retard, pas besoin de pester dans les embouteillages ; hop, un pas dans ses souliers magiques et voici notre héroïne à pied d’œuvre pour sa journée de travail. Un déjeuner avec son amant à l’autre bout de Paris quelques heures plus tard ? Re-hop, un autre pas, et la voici pile à l’heure pour déguster un cuissot d’antilope.

Trois bouchées plus tard, hop derechef, un détour chez le vétérinaire pour s’assurer que son fauve d’appartement est en pleine santé, et la voici de retour à temps au bureau, rugissant pour s’assurer que ses équipes ne tirent pas au flanc.

La journée s’achève, trois petits tours d’escarpins, et la voici à un vernissage au musée Marmottan. Hop une apparition rapide à la crémaillère d’un couple d’amis – tiens, une tête de tigre blanc au mur – un coup d’œil à sa Panthère Cartier, car l’heure tourne, et l’ouvreuse lui déchire le billet qui la fait accéder à sa comédie musicale préférée (Cats, évidemment…).

Après cette longue journée, quelle joie de disposer d’escarpins qui peuvent, aussi, servir de fauteuil à notre tigresse de la jungle urbaine. Pour s’installer confortablement et profiter d’une tasse de thé, à coup sûr un Rooibos fruité, comme un Safari au Cap.

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