Le chat noir, complice du diable et annonciateur de malchance ? Plus d’une fois, l’agile félin aurait dû finir sur le bûcher. Ne verrions-nous pas là l’autoportrait métaphorique de Victor Brauner ?
Cet artiste juif d’origine roumaine, contraint à l’exil et/ou à la clandestinité à plusieurs reprises, a subi de plein fouet les convulsions du XXe siècle. Expressionniste, picto-poète, dadaïste ou surréaliste resté malgré lui en Europe à l’heure où ses camarades ont pu s’extraire du bourbier nazi, Brauner s’est même confronté à l’abstraction lyrique.
Ce SCF – sans-courant fixe – a trop connu l’odeur âcre des crépuscules et des chimères pour renier l’attrait des voyages intérieurs. Fasciné par la magie, Brauner est un adepte des parcours initiatiques. Prémonition primitiviste ? Naturellement, vous répondrait-il avec le même regard que ce chat noir auquel il s’est très certainement identifié. Sa collection personnelle d’arts premiers et les esprits qui s’en dégagent ont sans nul doute inspiré la robe de ce chat dont les yeux si mystérieux renvoient à l’esthétique des masques africains. Les volutes entourant l’animal ainsi que le personnage discret qui semble s’enfuir par le dessus ajoutent à cet onirisme fantomatique caractéristique de l’œuvre de Brauner.
Lorsqu’il peint ce chat, cela fait quatre ans que Victor Brauner a été exclu du mouvement surréaliste, exactement comme Roberto Matta, dont la seconde épouse a reçu en cadeau cette œuvre dédicacée. À cette époque, Brauner est un artiste en pleine maturité capable de dialoguer avec les arts primitifs. Quant à ses tentatives abstraites, elles font long feu puisque l’artiste revient à ce tête-à-tête mystique et presque animiste où les chats, passeurs de l’Égypte ancienne et symboles de l’exploration de l’inconscient, occupent toujours une place de choix.