À ton étoile

Chantre de l’Arte Povera, Gilberto Zorio centre son travail sur la libération des énergies et le phénomène des processus naturels.

Avec cette étoile réalisée à partir de bromure de cobalt et de fluorine, censée réagir à la chaleur, ce plasticien-alchimiste nous offre des variations de couleurs évoluant entre le bleu et le rose. Voici donc une œuvre évolutive, en pleine transformation, qui a le mérite de présenter l’acte de création comme une révolution sous tous ses aspects : cyclique, régénérante, brusquement changeante, un brin agitatrice et provocatrice. L’œuvre ainsi créée chimiquement est à son tour sujette à d’autres lois que celle de la simple esthétique. Zorio parvient alors à transcender la platitude de la deuxième dimension en lui conférant une masse qui lui faisait initialement défaut. Dès lors, l’œuvre sort de son cadre et crée un champ de force qui entre en gravitation avec le·la spectateur·trice et l’y inclut pleinement pour en faire un un spect-acteur ou une spect-actrice. À contempler cette étoile, ne vous sentez-vous pas comme l’homme de Vitruve, au centre de l’univers ?

Zorio privilégie la force physique et l’énergie qui en découle. Par la composition et la combinaison des matériaux utilisés, impossible d’ignorer la valeur hautement symbolique de cette œuvre ; pas d’alchimie sans ésotérisme. Pentagramme droit, pentagonne régulier étoilé : voici venu le temps de l’être humain positif et accompli dans son microcosme. Le triomphe de l’esprit éclairé devenu clef de voûte et clef de voûte et parachevant l’action initiée. Cette représentation archétypale de l’étoile à cinq branches est récurrente chez l’artiste et brille pour la première fois dans son travail en 1972. Nous y retrouvons la métaphore du mouvement par le voyage qu’elle inspire, le visible et l’invisible, l’infiniment petit et l’infiniment grand. Tout cela nous renvoie à notre modeste échelle dans un rapport ombilical et mythologique au cosmos. Une réflexion profonde qui vient en résonance avec la densité réelle de ses créations, formant par la même occasion un délicieux contraste avec la poésie qui s’en dégage.

Mais laissons pour l’heure la raison, qui se veut par trop analytique, et laissons notre ressenti prendre le pouvoir. L’interaction créée dépasse la réception purement sensorielle de l’œuvre d’art, qu’elle soit consciente ou non. Elle s’inscrit dans une démarche qui vise à “purifier les mots”*. C’est une expérience, un langage et, comme l’affirme le Petit Prince de Saint-Exupéry : «ce qui est important, ça ne se voit pas…», j’ajouterais même, ça ne se dit pas. «- Bien sûr… – C’est comme pour la fleur. Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c’est doux, la nuit, de regarder le ciel. Toutes les étoiles sont fleuries. »

* « Per purificare le parole » est un titre générique employé à partir de 1969 pour désigner une série d’œuvres composites créées par l’artiste.

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