Vous l’ignoriez sûrement, mais la vie d’une chaise barbare n’est pas de tout repos !
Premièrement, si la droiture de mon tronc et le galbe de mes cuisses vous émeuvent, c’est que le mobilier venu du nord, sec et boisé, vous aura fatigué. Marre d’entendre parler scandinave à longueur de journée ? Soyez trendy et offrez à votre oreille quelques sonorités barbares.
Ensuite, vous n’imaginez pas le temps et la peine que je consacre chaque matin à me faire belle pour votre auguste séant. À lacer mes cordons et gaines pour garder chaque jour ce port altier – j’ose dire princier– qui me donne le chic intemporel que n’ont plus ces beautés nordiques déjà passées de mode.
Puis, croyez-vous qu’on obtienne cette précieuse patine verte à faire pâlir les sculpteurs de la Renaissance sans passer à la casserole et rouler quelques patins à des bronziers experts qui, d’un seul regard, savent me faire fondre ? À défaut de brûler ardemment, les suédoises, elles, se consument et finissent en cendres. Enfin, et ma culotte de peau ? Tu l’aimes, ma culotte de peau ? Ou vas-tu encore longtemps te laisser éblouir par ce qui brille d’un éclat trompeur… ?
