Te voir en chair, j’en perds la tête

Pour l’historien de l’art Winckelmann (1717-1768), la beauté ne pouvait se manifester qu’à travers les courbes d’un homme et – plus dur encore ! – ne pouvait être apprécié que par ce dernier…

Assise à son bureau ordonné jusqu’à l’épure, la pauvrette rêve d’un ailleurs lointain. À cet autre temps où Persée, Apollon et David et leur virilité magnétique attiraient tous les regards. Dieu, que le corps antique était parfait! Du Kouros grec statique, qui laisse subtilement deviner sa musculature, au Laocoon, tout en force et tension, en passant par le Faune Barberini ô combien sensuel ou par le Patrocle de David, parangon du nu académique: la nudité masculine a fait tourner bien des têtes…

Ce petit manège a duré jusqu’à la fin du XIXe siècle, où les corps d’éphèbes s’affichent là encore sans aucun complexe. L’auguste souvenir d’Alexandre le Grand succombant aux charmes d’Hephaestion et celui d’Hadrien aux attraits d’Antinoüs excusent les fantasmes les moins avouables. Petit à petit, la pauvrette toujours esseulée commence elle aussi à perdre la tête. À l’image, en somme, de ces torses aux muscles saillants qui l’entourent.

Le corps masculin, ce canon objectivé, est donc le Beau Idéal que les artistes admirent. Soit ! Mais il reste encore une affaire d’hommes, y compris au XXe siècle où sa nudité se charge d’un érotisme tentateur et voluptueux. Même le mythe de saint Sébastien échappe désormais aux femmes ! Quel malheur pour la pauvrette qui, perdue dans ses pensées interdites, s’endort, tel Endymion baignant dans un rayon de soleil…

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